Il m’arrive assez souvent quand je suis à construire une toile que je la perde. Qu’elle m’amène là où je n’ai pas envie d’aller. Que je me trompe. J’ai alors deux avenues possibles.
La première consiste à m’entêter à corriger le tir, à retoucher, à me reprendre ici ou là dans le tableau pour l’amener là où je veux qu’il m’amène. L’autre solution est de tout blanchir, de repartir en neuf, à zéro. Tout reprendre. Parfois je prend la première solution parfois l’autre. Bien des gens possèdent de moi une toile qui en cache deux autres et n’en savent rien du tout.
La seule chose dont je dois me rappeler dans une telle situation c’est que je ne suis pas devant ma toile en train de finir un tableau mais de peindre… de vivre… de profiter de la vie dans cette tâche que j’ai choisi d’accomplir : celle de peindre.
Si je cherche à tout prix la solution à cette toile, je deviens vite frustré, fâché de l’avoir gâchée, perdue… J’efface un morceau et je reprend, j’efface encore, je repeins et souvent je m’y perd.
Si je regarde dehors le printemps qui s’installe et que je ne me prends pas au sérieux, j’arrive souvent à solutionner le tableau raté au départ. Ou je l’efface et je repars vers ailleurs. Libre. Je m’abandonne au ruisseau qui m’emporte et je me laisse aller à la vie. Rien n’est assez sérieux pour nous cacher le bonheur de vivre. Pas une toile en tout cas !
Claude A Simard
6 Avril 2010